Ouija : histoire, fonctionnement et controverses

L'ouija, célèbre planche de communication avec les esprits, soulève de nombreuses discussions. Explorons ses origines, son fonctionnement et les controverses entourant sa pratique.

Origines et histoire du ouija

Le Ouija, aussi connu sous le nom de "talking board" ou planche parlante, est un jeu de société populaire depuis plus d'un siècle. Malgré son apparence ludique, cet objet est au cœur de nombreuses controverses, certains le considérant comme un simple divertissement tandis que d'autres l'accusent d'ouvrir des portes vers l'au-delà. Revenons sur les origines et l'histoire mouvementée de ce jeu qui ne cesse de fasciner et diviser.

Aux sources du spiritisme

Pour comprendre l'émergence du Ouija, il faut remonter au milieu du 19ème siècle aux États-Unis. C'est l'époque du spiritisme, un mouvement qui croit en la possibilité de communiquer avec les esprits des défunts. Lors de séances, des médiums entrent en transe pour transmettre des messages de l'au-delà. Mais ces pratiques restent réservées à une élite.

Tout bascule avec la guerre de Sécession en 1861. Le conflit fait plus de 600 000 morts, laissant de nombreuses familles endeuillées. Pour entrer en contact avec leurs proches disparus, les Américains inventent alors un système plus accessible : une feuille de papier avec l'alphabet, les chiffres et les mots "oui" et "non", sur laquelle on pose un verre retourné qui se déplace pour former des messages. Ces "talking boards" connaissent un succès fulgurant.

1890 : Naissance du Ouija

Fin 1890, l'homme d'affaires Charles Kennard flaire le filon. Avec quelques associés, il dépose le brevet d'une planche de bois rectangulaire avec l'alphabet, les chiffres de 0 à 9 et les mentions "oui", "non" et "au revoir". Le pointeur en forme de cœur est baptisé planchette. Selon la légende, le nom "Ouija" proviendrait de la contraction du mot "oui" en français et allemand ("ja"). Kennard lance la production en 1891, c'est un triomphe immédiat.

En 1901, William Fuld, un des associés, devient l'unique propriétaire. Il transforme le Ouija en véritable phénomène en le présentant comme un jeu de société convivial et sans danger. Les ventes s'envolent, dépassant même celles du Monopoly. En 1966, le géant du jouet Parker Brothers rachète les droits et écoule plus de 2 millions d'exemplaires l'année suivante ! Depuis, le Ouija n'a jamais quitté les rayons des magasins de jouets.

Entre paranormal et psychologie

Le succès commercial ne tarde pas à s'accompagner d'une sulfureuse réputation. Des cas de possessions démoniaques, de meurtres ou de suicides sont attribués au Ouija, alimentant les rumeurs sur son pouvoir maléfique. Pourtant, les sceptiques y voient un phénomène purement psychologique : l'effet idéomoteur. Les mouvements du pointeur seraient dus à l'activité musculaire inconsciente des joueurs et non aux esprits.

Malgré les mises en garde des autorités religieuses et les avertissements sur la boîte, le Ouija continue de séduire, surfant entre le frisson du paranormal et l'amusement en groupe. Plus qu'un simple jeu, il reste une porte entrouverte sur le mystère qui nous fascine tant.

Fonctionnement et utilisation du ouija

Le ouija est un outil de divination qui fascine autant qu'il effraie. Son fonctionnement repose sur l'utilisation d'une planche spécifique et d'accessoires permettant de communiquer avec l'au-delà. Découvrons en détail comment se déroule une séance de ouija et les précautions à prendre selon les experts.

La planche ouija et ses éléments

La planche ouija se compose de plusieurs éléments clés :

• Les lettres de l'alphabet
• Les chiffres de 0 à 9
• Les mots "oui", "non", "bonjour" et "au revoir"

Ces inscriptions sont disposées sur la planche de manière à former un demi-cercle. Au centre se trouve généralement un espace vide où les participants posent leurs doigts sur un accessoire mobile, appelé "goutte" ou "planchette". Cet accessoire, souvent en forme de cœur avec une ouverture, permet de pointer vers les lettres et les mots pour épeler des messages. Certains utilisent aussi un verre retourné à la place de la goutte.

Déroulement d'une séance

Lors d'une séance de ouija, les participants se rassemblent autour de la planche, généralement dans une pièce calme avec une lumière tamisée. Chacun pose délicatement un ou deux doigts sur la goutte. L'un des participants, souvent celui qui mène la séance, commence par invoquer les esprits et leur poser une question claire et précise.

Les participants se concentrent alors et attendent que la goutte se mette à bouger, apparemment de son propre chef, pour pointer vers les lettres et épeler une réponse. Les séances peuvent durer de quelques minutes à plusieurs heures, en fonction des messages reçus et de la volonté des participants de poursuivre la communication.

Règles et précautions

Les experts en spiritualité insistent sur l'importance d'aborder le ouija avec sérieux et respect. Avant de débuter une séance, il est essentiel d'avoir un objectif clair en tête et de préparer des questions précises à poser aux esprits. Invoquer les morts par simple curiosité ou pour s'amuser est fortement déconseillé.

Certains médiums recommandent de protéger l'espace de la séance en traçant un cercle de protection autour des participants ou en allumant des bougies purificatrices. Il est aussi conseillé de ne jamais utiliser le ouija seul et de toujours clore la séance en remerciant les esprits et en disant "au revoir" de manière claire.

Enfin, si à tout moment un participant ressent un malaise ou une énergie négative, il est préférable d'interrompre immédiatement la séance. Le ouija ne doit pas être pris à la légère, car selon les croyances, il ouvrirait un portail vers l'inconnu, avec tous les risques que cela comporte.

Critiques et explications scientifiques

Le ouija, bien que populaire et fascinant pour beaucoup, fait l'objet de nombreuses critiques de la part de la communauté scientifique. Les sceptiques remettent en question les prétendues capacités de communication avec l'au-delà de cet outil divinatoire, et proposent des explications rationnelles aux phénomènes observés lors des séances.

L'effet idéomoteur, clé de la critique scientifique

Au cœur des critiques sceptiques se trouve l'effet idéomoteur, un phénomène psychologique bien documenté. Il s'agit de mouvements musculaires inconscients et involontaires, souvent déclenchés par des attentes, des croyances ou des suggestions. Lors d'une séance de ouija, les participants placent leurs doigts sur le pointeur et se concentrent sur les questions posées. Sans en avoir conscience, ils exercent de légères pressions qui font bouger le pointeur vers les lettres, donnant l'illusion d'une communication avec les esprits.

De nombreuses études ont reproduit les effets du ouija en laboratoire, démontrant que les mouvements du pointeur sont en réalité dus aux actions inconscientes des participants. Une expérience simple consiste à bander les yeux des joueurs : privés de repères visuels, les "messages" deviennent incohérents, prouvant que ce sont bien les participants qui dirigent le pointeur, et non des forces surnaturelles.

L'influence des croyances et des superstitions

Des études récentes, menées en 2012 et 2018, ont mis en lumière le rôle des croyances et des tendances superstitieuses dans la perception des résultats du ouija. Les participants les plus enclins à croire au paranormal attribuent plus facilement les mouvements du pointeur à des entités invisibles, tandis que les plus sceptiques ont tendance à soupçonner leurs partenaires de jeu de manipuler volontairement la planchette.

Une étude de 2018 a également montré que les joueurs avaient tendance à regarder les lettres avant même que le pointeur ne s'y arrête, trahissant une anticipation inconsciente des réponses. Plus la séance avance, plus ce phénomène est marqué : si les premières lettres d'un mot sont "devinées" dans seulement 15% des cas, ce taux grimpe à 40% pour les dernières lettres, les participants complétant instinctivement les réponses.

Des mouvements inconscients révélateurs

Malgré ces explications rationnelles, il est difficile pour les participants de reconnaître leur propre rôle dans le déplacement du pointeur. L'effet idéomoteur agit à un niveau inconscient, donnant l'impression que les mouvements sont indépendants de leur volonté. Pourtant, une étude de 2012 a montré que le ouija pouvait révéler des connaissances inconscientes : en répondant à un questionnaire les yeux bandés, les participants obtenaient 65% de bonnes réponses, contre seulement 50% lorsqu'ils répondaient consciemment.

Si le ouija ne permet pas réellement de communiquer avec les morts, il offre un aperçu fascinant des mécanismes inconscients à l'œuvre dans notre esprit. Les critiques scientifiques ne remettent pas en cause l'attrait de cet outil divinatoire, mais invitent à l'aborder avec un regard rationnel et à prendre conscience de l'influence subtile de nos croyances et de nos attentes sur notre perception de l'inexpliqué.

Impact culturel et représentations dans les médias

Le ouija, cette planche de communication avec l'au-delà, a marqué de son empreinte la culture populaire depuis sa création à la fin du 19ème siècle. Son impact dépasse largement le cadre des séances de spiritisme pour s'inviter dans la littérature, le cinéma, la musique et même les jeux vidéo. Explorons ensemble quelques-unes de ses apparitions les plus marquantes.

Le ouija dans la musique

En 1995, le groupe de rap américain Bone Thugs-n-Harmony sort l'album E. 1999 Eternal qui contient un morceau intitulé Mr Ouija 2, chanté sous forme de prière a capella. Plus récemment, en 2017, le chanteur drag-queen Sharon Needles fait référence au ouija et à des films d'horreur cultes dans son titre Call Me on the Ouija Board sur l'album Taxidermy.

Le ouija au cinéma et à la télévision

Le cinéma s'est aussi emparé du phénomène, avec notamment deux films d'horreur centrés sur le ouija sortis en 2014 et 2016, simplement intitulés Ouija et Ouija: les origines. Dans un registre plus léger, l'épisode No more Mr. Knife Guy de la série animée Brickleberry met en scène l'utilisation d'une planche ouija par l'un des personnages.

Le ouija dans les jeux vidéo

Même les jeux vidéo s'y mettent. Dans The Binding of Isaac: Rebirth, la "Ouija Board" est un objet permettant de transformer le protagoniste en spectre. Le jeu d'horreur multijoueur Phasmophobia propose aux joueurs d'utiliser un ouija avec leur propre voix pour interroger les fantômes, au risque d'augmenter fortement leur agressivité. D'autres titres comme Castlevania: Dawn of Sorrow ou Until Dawn intègrent aussi des planches ouija dans leur gameplay ou leur scénario.

Une anecdote historique

Fait moins connu, le ouija aurait même été utilisé lors de l'enquête sur l'enlèvement d'Aldo Moro, homme politique italien, par les Brigades Rouges en 1978. Romano Prodi, alors président de la Démocratie Chrétienne, affirme que lors d'une séance, les "esprits" auraient indiqué via le ouija que Moro était détenu dans un lieu nommé Gradoli. Une descente de police dans le village du même nom ne donna rien, mais il fut révélé plus tard que Moro avait en réalité été séquestré rue Gradoli à Rome.

Ainsi, le ouija continue de fasciner et d'inspirer les artistes et créateurs, tout en s'immisçant parfois dans des affaires bien réelles. Malgré les controverses et le scepticisme scientifique qui l'entourent, son aura mystérieuse lui assure une place de choix dans notre imaginaire collectif.

L'essentiel à retenir sur l'ouija

Bien que l'ouija soulève des questions sur son fonctionnement et son lien avec le surnaturel, son impact culturel reste indéniable. De nouvelles études pourraient apporter un éclairage supplémentaire sur les phénomènes observés lors des séances. Quoi qu'il en soit, l'ouija conserve une place singulière dans l'imaginaire collectif.